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jeudi 18 avril 2024

« Trop peu, trop tard », le Sénat se montre critique face aux annonces européennes en matière anti-corruption

 


 

 « Eviter l’effet Tartuffe ». C’est en ces termes que le Sénat met en garde les institutions européennes, la Commission européenne en premier lieu, concernant ses critiques envers la France. Dans son rapport d'information, sa commission des affaires européennes soutient la réforme européenne anti-corruption engagée et elle dénonce l’absence de volonté politique de certains des Etats membres dans leur engagement dans cette lutte. En revanche, elle critique le fait que la France soit pointée du doigt alors que l’hexagone brille, selon elle, par les efforts entrepris contre ce phénomène. Quant au comité interinstitutionnel d’éthique, proposition phare du dernier paquet de mesures anti-corruption, la commission des affaires européennes juge la proposition trop tardive et trop faible. Elle propose dès lors une structure indépendante et disposant de pouvoirs accrus.



La France bon élève en matière anti-corruption

 
La commission des affaires européennes note qu’en 2023, 11 des 27 États membres de l'Union européenne, dont la France (20ème) se retrouvent parmi les 20 premiers États dans le classement de l'indice de perception de corruption publié annuellement par l'organisation non gouvernementale de lutte contre la corruption Transparency international, qui classe, par ordre décroissant, les pays du monde entier à l'aune de leurs législations et pratiques anticorruption

Plus spécifiquement, la France dispose d'un cadre juridique précis et de moyens notables pour prévenir la corruption, avec des obligations déclaratives imposées aux responsables publics, l'enregistrement obligatoire des représentants d'intérêts sur un répertoire national, l'action de conseil, d'information et de contrôle de la Haute autorité de transparence de la vie publique (HATVP) et la mise en place d'une stratégie nationale anticorruption par l'agence française anticorruption (AFA).
En 2022, le parquet national financier (PNF) a ouvert 217 enquêtes et avait 708 affaires en cours, dont 314 (44,35%) relatives à des atteintes à la probité.

En 2021, les parquets français ont traité 900 affaires d'atteinte à la probité, contre 853 en 2020 (+5,5 %). Ces affaires impliquaient 1 379 auteurs, dont 301 personnes morales. 55 % d'entre eux n'ont pas été poursuivis car l'infraction n'était pas assez caractérisée.
En outre, la France dispose d'une législation ambitieuse concernant la prévention de la corruption dans la vie publique.

La corruption, un phénomène endémique en Europe

Pour l'Union européenne, la lutte contre la corruption fait partie intégrante de l'État de droit, valeur de l'Union posée à l'article 2 du traité sur l'Union européenne (TUE).
C'est en effet au nom de cette valeur de l'État de droit que, depuis 2020, la Commission européenne évalue annuellement la situation de chaque État membre au regard de plusieurs critères : 

  • indépendance de la justice ; 
  • lutte contre la corruption ; 
  • indépendance de la presse et pluralisme des médias ; 
  • questions institutionnelles.

Malgré tout, la corruption demeure un phénomène massif dans l'Union européenne : son coût annuel pour les économies de l'Union européenne est évalué à 120 milliards d'euros selon une estimation prudente de la Commission européenne.
Ainsi, selon Europol, 60 % des réseaux du crime organisé usent de la corruption et 70 % d'entre eux mènent des actions de blanchiment de capitaux.
De plus, si les processus de corruption sont connus, les outils à la disposition des « corrupteurs » leur offrent de nouvelles perspectives. Europol mentionne ainsi l'importance croissante de l'usage des « crypto-monnaies » par les organisations criminelles pour corrompre les agents publics.


Une réforme européenne qui va dans le bon sens

 
La proposition de directive relative à la lutte contre la corruption, présentée le 3 mai 2023 par la Commission européenne, est sans doute l'une des réformes les plus importantes préparées par l'actuel collège des commissaires européens.
C'est pourquoi, tout en déplorant le calendrier tardif de dépôt de cette réforme et l'absence d'analyse d'impact pour en justifier les dispositions, la commission des affaires européennes souhaite apporter un soutien de principe à ce texte majeur.
En complément, la commission des affaires européennes :

  • demande que les organismes spécialisés dans la prévention de la corruption bénéficient bien d'une indépendance statutaire ou fonctionnelle, comme la HATVP ou l'agence française anticorruption (AFA);
  • estime que l'obligation d'information imposée aux organismes de répression de la corruption doit être conciliée avec le maintien de l'efficacité de leurs enquêtes et poursuites ;
  • souhaite l'harmonisation des délais de prescription proposés sur une durée de six ans, comme en droit français.


Une absence de réelle volonté politique nationale


Mais malgré les efforts entrepris pour contre ce phénomène, La commission des affaires européennes fait remarquer que le cadre juridique demeure partiel et parcellaire. La situation des États membres variable au regard de la lutte anticorruption, ce qui conduit désormais l'Union européenne à accroître la pression sur eux pour obtenir des résultats.

En effet, cette persistance des faits de corruption profite également des divergences de législations entre les États membres et, parfois, de leur absence de volonté politique pour combattre la corruption.
Illustrant la très grande diversité de la situation des États membres en matière de lutte anticorruption, le rapport souligne que plusieurs États membres n'ont toujours pas de cadre juridique adapté. À titre d'exemple, certains États membres ne disposent pas de stratégie nationale anticorruption (Slovénie).
Dans son rapport d'évaluation de l'État de droit 2023, la Commission européenne vise même la France.


Une mise en garde contre l’effet Tartuffe

Au nom de la préservation de l’Etat de droit, la Commission européenne évalue désormais non seulement juridiquement mais aussi « éthiquement » les stratégies nationales de lutte contre la corruption, la situation de la justice, des journalistes et des médias, ainsi que le financement des partis politiques dans chaque État membre et jusqu'à leurs procédures législatives.
Or, si les institutions européennes souhaitent poursuivre cette politique ambitieuse voire intrusive, la commission des affaires européennes indique que ces mêmes institutions se doivent d'être elles-mêmes exemplaires dans le respect des règles éthiques, sous peine d'apparaître comme des « Tartuffes » et de perdre leur crédibilité et la confiance des citoyens.

En effet, le rapport de la commission des affaires européennes note que la corruption a pu être facilitée par les carences préoccupantes des institutions de l'Union européenne (Commission européenne ; Parlement européen ; Conseil de l'Union européenne...) dans l'adoption et l'application de « cadres éthiques » s'appliquant à elles-mêmes. Cet état de fait a été illustré par le scandale du « Qatargate » et par plusieurs enquêtes récentes de la Médiatrice de l'Union européenne.
De tels faits ont démontré la nécessité de réformes ambitieuses afin de garantir la pérennité du débat démocratique européen et de restaurer la confiance des citoyens des États membres, à l'heure où l'Union européenne n'a jamais eu autant de pouvoir.


Un organisme éthique interinstitutionnel présenté tardivement

Dans sa communication présentée le 8 juin 2023, la Commission européenne a proposé, par la voie d'un accord interinstitutionnel, la création d'un organisme éthique interinstitutionnel commun à neuf institutions de l'Union européenne, qui aurait pour mission de servir de forum d'échange de bonnes pratiques et de définir, sur une base consensuelle, des lignes directrices éthiques minimales pour les membres de ces institutions.
Elle relève, d'une part, que l'initiative de proposer la création d'un organisme éthique, qui avait été envisagée par la Présidente de la Commission européenne dès fin 2019, n'a été présentée que très tardivement par elle, en juin 2023, conduisant les négociateurs européens à se presser au risque de sceller un « accord au rabais » avant la fin du mandat du Parlement européen.

Un organisme insuffisamment indépendant

La commission des affaires européennes déplore la subordination totale de l'organisme éthique interinstitutionnel envisagé à l'égard de la Commission européenne, qui l'accueillerait dans ses locaux et dirigerait son secrétariat. Elle constate qu'en proposant de doter cet organisme d'un budget de 600 000 euros et de 2 emplois à plein temps (aidés par les chefs d'unité des institutions participantes), la Commission européenne a une vision minimaliste du rôle de ce comité.

Observant, avec la Médiatrice de l'Union européenne, que l'autorégulation des institutions européennes n'a pas donné les résultats escomptés dans le domaine de la prévention de la corruption et que, contrairement à l'interprétation qu'en fait la Commission européenne, les traités européens n'interdisent pas la création d'un organisme indépendant doté de pouvoirs de contrôle, la commission des affaires européennes préconise donc de créer un véritable « comité d'éthique européen » qui serait indépendant à l'égard des institutions participantes

Pour un organisme ayant davantage de compétences 

La commission des affaires européennes considère demande donc l'institution d'une structure disposant d'une faculté d'auto-saisine et de pouvoirs de contrôle.
La commission des affaires européennes estime que le comité d'éthique de l'Union européenne devrait :

  • rassembler les informations disponibles sur les procédures éthiques internes aux institutions participantes et jouer un rôle de sensibilisation sur les enjeux éthiques ;
  • avoir la faculté de s'auto-saisir d'une difficulté éthique, à la suite d'informations publiques ou sur requête individuelle, et d'enquêter sur cette difficulté, en vue de formuler des avis (non publics) en réponse à des situations individuelles et des recommandations publiques ;
  • pouvoir s'appuyer pour ses enquêtes sur la Médiatrice de l'Union européenne, la Cour des comptes de l'Union européenne et l'Office européen de lutte antifraude (OLAF). La commission des affaires européennes préconise une actualisation du statut de l'OLAF, afin de le rendre juridiquement et fonctionnellement indépendant à l'égard de la Commission européenne ;
  • se voir confier la tâche de rassembler, de tenir à la disposition du public et de contrôler les déclarations d'intérêts et, lorsqu'elles existent, de patrimoine, des membres des institutions participantes.
  • pouvoir suivre et contrôler les « pantouflages » des membres et personnels des institutions participantes ;
  • prendre en charge le contrôle du registre commun de transparence où doivent s'inscrire les représentants d'intérêts souhaitant influencer les décisions de la Commission européenne, du Conseil et du Parlement européen ;
  • évaluer chaque année le respect de l'État de droit par les institutions européennes dans un rapport spécifique intégré au cycle de suivi annuel pour que le suivi de l'État de droit soit complet et satisfaisant, en application directe de l'article 2 du TUE précité.

 

synthèse par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr

 

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jeudi 11 avril 2024

Europol dénombre plus de 800 réseaux criminels dangereux – la France bien placée

 


Ce rapport aurait pu faire la une des médias tant le sujet est grave et concerne au premier chef la France. Pourtant, il n’en est rien et cela est pour le moins regrettable. L’office européen de police s’est livré à un travail méticuleux d’identification des réseaux criminels les plus menaçants en Europe. On y apprend que 820 groupes criminels sévissent, pour la plupart transnationaux. Leur trafic privilégié ? La drogue. Leur centre de commandement ? Dubaï. Le chiffre d’affaires des plus actifs ? Un milliard d’euros.
Quant à la France ? Elle est abondamment citée par le rapport.


Deux tiers des groupes sont plurinationaux

Les 821 réseaux criminels les plus menaçants touchent l'ensemble des 27 États membres de l'UE.
La majorité d’entre elles ont une portée qui s’étend au-delà de l’UE, en particulier dans les pays voisins de l’UE, voire au-delà.
Cette portée mondiale se reflète également dans la composition de ces groupes puisque 112 nationalités sont représentées.
68 % des réseaux sont à cet égard composés de membres de plusieurs nationalités.
76 % des réseaux criminels les plus menaçants sont présents ou actifs dans deux à sept pays.

Selon Europol, les réseaux criminels composés uniquement de membres français sont majoritairement actifs dans le trafic de cocaïne et de cannabis. Ils se livrent également à l’extorsion, au racket et à la traite à des fins d’exploitation sexuelle. Ils opèrent principalement en France, mais ils ont également des connexions avec plus de 15 autres pays, dont la Belgique, les Pays-Bas, le Portugal et l'Espagne, ainsi que les Émirats arabes unis.


Des structures mi-pyramidales, mi en réseau


La configuration organisationnelle des réseaux criminels est très diversifiée. Certains sont composés de seulement 3 membres, tandis que d’autres en comptent plus de 100.
Plus de la moitié des réseaux criminels les plus menaçants ont une structure hiérarchique, avec différents niveaux de pouvoir et de responsabilités, une division claire des tâches et des systèmes internes de contrôle et de discipline.
L’autre moitié de ces réseaux criminels l’est de manière plus fluide, soit autour d’un noyau central, soit de manière lâche et décentralisée.


Dubaï, la nouvelle capitale de la grande criminalité

Environ 6 % des réseaux criminels recensés par Europol disposent d’une direction qui coordonne les opérations en dehors de l’UE – un choix délibéré de s’éloigner de la portée des forces de police si nécessaire.
6 % d'entre eux ont des dirigeants à distance installés en dehors de l'UE ; les endroits les plus courants sont les Émirats arabes unis et, dans une moindre mesure, la Turquie et le Royaume-Uni.
Europol précise que des enquêtes sur les communications cryptées utilisées ont révélé que Dubaï est devenu un centre de coordination à distance où résident des membres de haut niveau et d'autres acteurs criminels, tels que des courtiers et des organisateurs, pour coordonner les activités des réseaux criminels et entraver les activités de détection des forces de police.


Des organisations criminelles qui brassent des millions

La plus grande partie (56 %) des réseaux criminels comptabilisés par l’office européen de police disposent ou sont en mesure d'obtenir d'abondantes ressources financières pour soutenir leurs activités criminelles.
En général, les revenus criminels annuels estimés varient de plusieurs millions à plusieurs dizaines de millions d'euros.
Europol pense qu’ils génèrent des centaines de millions de fonds illicites, dont une poignée atteint jusqu’à un milliard d’euros.

Europol ajoute que bien qu'il soit souvent impossible de connaître le nombre exact de membres, ils se situent souvent entre 8 et 38 membres.
Certains des réseaux criminels les plus menaçants recrutent parmi les jeunes des couches de la population considérée comme vulnérable, même des mineurs, et les exploitent pour exécuter des tâches liées au trafic de drogue notamment.


La corruption pratiquée par ces organisations qui gangrènent les Etats membres

71 % des réseaux se livrent à la corruption pour faciliter des activités criminelles ou entraver les procédures judiciaires.
Les réseaux criminels utilisent la corruption pour faciliter leurs activités dans le trafic de drogue (héroïne, cannabis, cocaïne), la fraude à la TVA, et aux subventions, l'extorsion et le racket, les matchs truqués, la criminalité environnementale (trafic de déchets et d'animaux sauvages) et le trafic d'armes à feu. Les enquêtes sur Sky ECC ont montré à quel point la corruption est profondément enraciné dans de nombreux pays  que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’UE.
La corruption cible à la fois les secteurs privé et public. Certains réseaux criminels ont accès à des individus corrompus dans plusieurs organisations et plateformes, souvent via plusieurs canaux. Stratégiquement placés le long des routes et des processus criminels, ces individus corrompus font désormais partie du réseau.


L’extorsion, une spécialité française ?

Cinq de ces réseaux criminels les plus menaçants se livrent à des activités d'extorsion et de racket comme seule activité criminelle. Ces réseaux Chypriotes, Français et Italien.
Europol précise que l'extorsion et le racket sont plus souvent liés aux principales activités criminelles, telles que le trafic de drogue et la fraude. Dans certains cas, il existe également des liens avec des crimes violents tels que des meurtres, des enlèvements et des vols.

Europol précise en outre que la moitié des réseaux criminels les plus menaçants sont presque tous (96 %) des réseaux qui blanchissent eux-mêmes leurs produits du crime.
Europol précise que des activités de blanchiment d’argent ont lieu dans plus de 80 pays.
Les réseaux criminels les plus menaçants sont actifs dans les 27 États membres de l’UE et comptent parmi leurs membres des ressortissants de chacun de ces 27 pays.
En examinant la portée géographique des opérations de blanchiment d'argent de ces réseaux, 49 % des réseaux criminels les plus menaçants blanchissent de l'argent uniquement dans l'UE, 32 % blanchissent de l'argent à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de l'UE, et 19 % blanchissent de l'argent uniquement en dehors de l'UE.


La construction, l’hôtellerie et la logistique infiltrées par les organisations

86 % des réseaux criminels les plus menaçants ont recours à des structures commerciales légales. La majorité infiltre ces structures à un niveau élevé ou crée leurs propres d’entre ells. Les secteurs les plus vulnérables à l’infiltration du crime organisé comprennent la construction, l’hôtellerie et la logistique. Les entreprises légales jouent également un rôle clé dans le blanchiment de produits illicite.

Europol ajoute que 34 % des réseaux criminels les plus menaçants sont actifs depuis plus de 10 ans.
Pendant de si longues périodes, ils sont capables de maintenir leur influence et leur pouvoir, même si leurs dirigeants et leurs membres sont détenus. Ils sont souvent au courant des initiatives des forces de police et appliquent activement des contre-mesures.


La France, cible de choix des cambrioleurs

73 des réseaux criminels les plus menaçants se livrent à la criminalité organisée contre les biens comme seule activité principale, principalement les cambriolages et les vols (33) et dans la délinquance automobile (19). Dix réseaux se livrent également à la traite (criminalité forcée) ou au trafic de drogue dans le cadre de leur principal portefeuille criminel.
Les pays les plus touchés par les réseaux auteurs de cambriolages et de vols sont la France, l'Italie, Malte, le Portugal et l'Espagne. Les nationalités les plus représentées dans ces réseaux sont celles croate, géorgienne, italienne et roumaine. Les réseaux sont décrits comme des groupes mobiles du crime organisé (MOCG) basés notamment sur des clans ou des familles. Certains sont également actifs dans d’autres types de délits contre les biens, dans la traite des êtres humains ou dans le trafic de drogue.


Le trafic de drogue, une activité de prédilection

La majorité des réseaux criminels les plus menaçants ont tendance à exercer un contrôle de bout en bout sur la majorité de leurs activités ou sur la majeure partie du processus criminel.
82 % des réseaux traitent une activité criminelle principale, soit seulement 18 % de polycriminel.
A ce propos, le trafic de drogue constitue l'une de leurs principales activités criminelles.
68 % des réseaux recourent à la violence et à l'intimidation. Le recours à la violence s’applique particulièrement au trafic de drogue.
Les réseaux criminels les plus menaçants se livrant à des activités de trafic de drogue ont été signalés par presque tous les États membres de l'UE. Les opérations de trafic de drogue sont le plus souvent localisées en Belgique, en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas et en Espagne ; et hors UE en Albanie, au Brésil, en Colombie, en Équateur et au Royaume-Uni.

La plupart des réseaux de trafic de drogue (113) sont spécialisés dans le trafic de cocaïne, une autre part s'adonnant au polytrafic (111), traitant de différents types de drogues. Ils combinent le plus souvent le trafic de cocaïne et de cannabis ou le trafic de cocaïne, de cannabis et de drogues de synthèse. Le trafic de cannabis constitue la seule activité principale de 44 des réseaux criminels les plus menaçants. Le nombre de réseaux criminels les plus menaçants spécialisés dans les autres types de drogues (synthétiques, héroïne, précurseurs) est assez limité : 9 réseaux sont spécialisés dans le trafic de drogues de synthèse, 6 dans le trafic d'héroïne et 12 dans d'autres substances liées à la drogue (principalement des précurseurs ou des produits chimiques essentiels) pour la production de médicaments).


Le trafic d'armes à feu couplée au trafic de drogue

Les cinq réseaux criminels les plus menaçants se livrent au trafic d'armes à feu comme seule activité criminelle. Le plus souvent, elle est liée aux principales activités criminelles comme le trafic de drogue.
D’après Europol, la disponibilité d’armes à feu sur le marché noir accroît également les risques pour la sécurité des citoyens, par exemple en cas de fusillades publiques.
Selon les renseignements disponibles, la plupart des armes à feu illégales en circulation dans l'UE proviennent de son sein. Ils sont détournés de l'approvisionnement légal, importés clandestinement de conflits dans les régions voisines (par exemple les Balkans occidentaux), réactivés ou convertis à partir d'armes à feu non létales ou fabriqués dans des ateliers clandestins.


La fraude, l’un des activités des groupes criminels


La fraude est la deuxième activité la plus importante des réseaux criminels les plus menaçants. Un cinquième de ces réseaux se livrent à la fraude comme principale activité criminelle, s’engageant parfois stratégiquement dans d’autres domaines de la criminalité.
La fraude aux accises constitue la seule activité principale de 34 des réseaux criminels  les plus menaçants. Dix-huit des réseaux criminels les plus menaçants se spécialisent dans la fraude à la TVA, y compris la fraude carrousel. Ils contrôlent généralement de bout en bout le processus. D'autres types de fraude, comme la fraude aux subventions et la fraude à l'importation douanière, constituent l'unique activité principale de 15 des réseaux criminels les plus menaçants et 8 réseaux combinent différents types de fraude.


Parmi les réseaux criminels les plus menaçants, 31 se livrent à des activités de contrefaçon. Pour la plupart d’entre eux, il ne s’agit pas de leur seule activité, mais d’un élément d’un portefeuille criminel plus large. La contrefaçon de produits est souvent associée à la fraude aux accises.
Les réseaux criminels se livrant à la contrefaçon comme seule activité criminelle consistent généralement à contrefaire des biens (5) ou de l'argent (5). Deux réseaux spécialisés le sont pour l’un en contrefaçon de produits pharmaceutiques et pour l’autre dans le piratage de contenu numérique. Les pays les plus touchés par la contrefaçon sont la Belgique et la France. Ces groupes sont composés principalement de ressortissants grecs et moldaves.


La France, haut lieu au trafic de traite des êtres humains

57 des réseaux criminels les plus menaçants se livrent au trafic de migrants. 48 d’entre eux sont uniquement actifs dans ce domaine, tandis que les 9 autres se livrent également à d’autres activités criminelles, principalement le trafic de drogue et la traite (travail et exploitation sexuelle, criminalité forcée).
D’après Europol, parmi les réseaux criminels les plus menaçants signalés, 55 se livrent à la traite comme (l'une de) leurs principales activités. La traite à des fins d'exploitation sexuelle constitue l'unique activité principale de 18 réseaux criminels, la traite à des fins d'exploitation économique pour 13 réseaux et 5 réseaux sont spécialisés dans d'autres formes de traite. 19 réseaux criminels combinent la traite avec d'autres types de criminalité, tels que le trafic de drogue, la criminalité organisée contre les biens et le trafic de migrants. La fraude en matière de documents et d’identité facilite souvent les activités de traite.
Les pays les plus touchés par la traite à des fins d’exploitation sexuelle sont la France et l’Allemagne. Les nationalités les plus représentées dans les réseaux pratiquant cette forme de traite sont la Bulgarie, la Roumanie, la Serbie et l’Ukraine.


Criminalité liée aux espèces sauvages : la France, à la fois victime du trafic et pays de nationalité des trafiquants

Neuf des réseaux criminels les plus menaçants se spécialisent dans les cyberattaques comme activité principale. Une poignée d’autres s’engagent dans ce domaine pour soutenir leurs activités de fraude et de blanchiment d’argent. Les Russes et les Ukrainiens sont les nationalités les plus représentées au sein de ces réseaux.
Quatre réseaux criminels spécialisés dans les délits liés aux déchets et à la pollution, trois d’entre eux se livrant à des délits liés aux espèces sauvages comme seule activité criminelle. En outre, 12 réseaux se livrent à la criminalité environnementale dans le cadre de leur portefeuille criminel plus large, principalement parallèlement au trafic de drogue.
Les réseaux impliqués dans la criminalité liée aux espèces sauvages sont ceux impliquant la France, le Portugal et l'Espagne, et concernent le trafic illicite de civelles. Les criminels impliqués dans ce domaine sont principalement des ressortissants chinois, français et espagnols.


L’IA, nouvelle parade contre la police ?

Europol indique la majorité des réseaux criminels les plus menaçants ont une bonne compréhension des techniques utilisés par la police et utilisent des contremesures adéquates. Les réseaux criminels utilisent principalement des technologies telles que des applications ou des appareils cryptés (EncroChat ou SkyECC) sur lesquels ils utilisent un langage codé pour communiquer.
Un élément récurrent pour éviter d’être détecté et poursuivi est la contre-observation et l’infiltration des forces de l’ordre, y compris l’identification des informateurs et des agents infiltrés. Cela va souvent de pair avec un investissement pour contrer les poursuites judiciaires en collusion avec des avocats qui donnent accès à des informations confidentielles et se livrent à des procédures excessives d’appel et à la subornation de témoin.
Pour Europol, le recours à l’intelligence artificielle pourrait à l’avenir faciliter davantage le moyen pour les criminels de contrecarrer les efforts des forces de police.

synthèse et traduction par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr

 

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mercredi 3 avril 2024

Expulsion: l’Europe entend faire preuve d’une plus grande fermeté

 


C’est en tout cas la volonté affichée dans le dernier rapport sur l’immigration et force est de constater à ce sujet un passage à la vitesse supérieure : coopération avec les pays tiers aux fins d’amélioration de la réadmission (c’est-à-dire le rapatriement par ces pays tiers de migrants expulsés d’Europe), déploiement d’une palette de sanctions en cas de mauvaise collaboration et mise en œuvre d’un éventail de mesures de retours volontaires et d’intégration… avec Frontex comme cheville ouvrière du dispositif.



Le retour des migrants en situation irrégulière : la mise en œuvre de la feuille de route

La feuille de route concernant les retours, élaborée récemment, fournit un cadre souple qui repose actuellement sur cinq actions clés, à savoir: des actions d’identification conjointes conduisant à la délivrance de documents de voyage, avec le soutien de Frontex, pour sept destinations prioritaires (Iraq, Bangladesh, Pakistan, Tunisie, Nigeria, Sénégal et Gambie); des aides au retour volontaire, une réintégration durable et des opérations de retour conjointes menées avec Frontex; l’adoption de décisions de retour simultanément à l’adoption de décisions négatives en matière d’asile; la reconnaissance mutuelle des décisions de retour et le suivi de leur exécution; et la hiérarchisation des retours des migrants en situation irrégulière qui représentent une menace pour la sécurité.

Le rapport sur l’immigration précise que le succès de la feuille de route repose sur l’échange de bonnes pratiques. Des ateliers spécifiques, organisés par Chypre, les Pays-Bas et la Belgique, sont mis en place à cet effet. Des réunions de coordination menées par Frontex seront inscrites à l’agenda du premier semestre 2024 pour chaque pays tiers prioritaire, afin d’aider les États membres à gérer leurs cas de retours.

La reconnaissance mutuelle des décisions de retour constitue un autre moyen d’améliorer l’efficacité de l’UE dans son ensemble. Les recommandations de la Commission de mars 2023 ont débouché sur un recours accru aux signalements relatifs aux retours dans le système d’information Schengen par les États membres: plus de 200 000 nouveaux signalements ont ainsi été introduits par les États membres en six mois.



Soutenir les retours volontaires et la réintégration

Le financement de l’UE et Frontex aident les États membres en matière de retour et de réintégration, notamment en encourageant les retours volontaires et en maintenant les rapatriés potentiels dans le processus de retour. Il s’agit notamment d’apporter une aide pratique, par exemple en réservant des vols, en payant les services d’escortes pour les retours forcés et en collaborant avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) dans le domaine de la réintégration.



Frontex partie prenante à la réintégration des migrants

Selon le rapport sur l’immigration, les retours en provenance de l’UE sont soutenus à la fois par des programmes bilatéraux des États membres et par les services conjoints de réintégration de Frontex, qui apportent une aide à la réintégration des rapatriés dans plus de 35 pays tiers (environ 50 pays tiers seront concernés dans un avenir proche). Depuis leur lancement en avril 2022, ces services ont soutenu plus de 5 500 bénéficiaires, et le rythme s’est accéléré en 2023.

Les services ont été utilisés par 24 États membres et pays associés à l’espace Schengen, soit la totalité des pays tiers relevant de leur champ d’application. Selo n le rapport, la fourniture régulière d’une aide à la réintégration, en particulier pour les cas de retours forcés, a été saluée par les pays partenaires et a contribué à faciliter la conduite et l’acceptation des opérations de retour.
Il est possible de citer à titre d’exemple l’aide de 13 millions d’euros en faveur de la réintégration durable des rapatriés en provenance de l’UE au Maroc, en Égypte et en Tunisie, constituant à la fois une assistance directe aux rapatriés eux-mêmes et un soutien structurel aux autorités nationales responsables.


17 000 migrants bénéficiaires de mesures de retours volontaires

D’après le rapport sur l’immigration, l’aide aux retours volontaires assistés en provenance des pays partenaires et à la réintégration durable dans les pays d’origine est un autre objectif clé. Depuis 2021, l’UE a consacré près de 400 millions d’euros à l’aide aux retours volontaires et à la réintégration des rapatriés en provenance des pays de transit d’Afrique subsaharienne. Entre août 2022 et janvier 2024, l’UE a soutenu plus de 17 000 migrants au moyen de mesures de retours volontaires et de réintégration substantielle dans le cadre de ce programme.


Dans le cadre d’un programme de retours volontaires en provenance d’Afrique du Nord, dont le montant s’élève à 68 millions d’euros, le nombre de migrants renvoyés chaque année a presque triplé entre 2020 et 2023 (pour atteindre plus de 13 000 en 2023) et une aide importante a été apportée à la protection en amont des retours.


L’arme des visas contre les pays non coopératifs


En vertu du code des visas, la coopération des pays tiers en matière de réadmission est évaluée régulièrement par la Commission qui fait rapport au Conseil. Si la coopération en matière de réadmission est insuffisante et tenant compte des relations globales de l’Union avec le pays tiers concerné, la Commission a la possibilité de proposer des mesures restrictives en matière de visas.
Le rapport note à ce sujet la coopération s’est amélioré avec des partenaires tels que l’Iraq, le Bangladesh et la Gambie. En revanche, une nouvelle proposition de mesures restrictives en matière de visas a été adoptée pour l’Éthiopie.

Le mécanisme du code des visas ne couvre que les pays soumis à l’obligation de visa. Pour les 64 pays avec lesquels l’UE a mis en place un régime d’exemption de visa, le mécanisme de suspension de l’exemption de visa offre une garantie contre toute utilisation abusive du régime d’exemption de visa qui peut conduire à une migration irrégulière.
Alors que ce mécanisme peut avoir un puissant effet dissuasif, il n’a été activé qu’une seule fois.
Le rapport insiste sur le fait la réforme en cours de ce mécanisme doit aboutir  pour rendre son utilisation plus aisée. Cet usage permettra de lutter contre un plus grand nombre d’abus en matière d’exemption de visa, comme l’augmentation des arrivées irrégulières due à l’absence d’alignement sur la politique de l’UE en matière de visas, ou les menaces hybrides, telles que l’instrumentalisation des migrants par des États. La réforme prévoit également des règles plus strictes pour les abus liés aux demandes d’asile non fondées (en 2023, 23 % de l’ensemble des demandes d’asile dans l’UE provenaient de pays exemptés de l’obligation de visa).


Une arme complétée par des sanctions commerciales

Un autre outil potentiel pour garantir la coopération en matière de retour et de réadmission pourrait être le système de préférences généralisées révisé (règlement SPG).
La Commission a proposé une nouvelle disposition dans le règlement, qui introduirait un nouveau critère de retrait du traitement tarifaire préférentiel accordé unilatéralement par l’UE, lequel se fonderait sur des lacunes graves dans la mise en œuvre de l’obligation de réadmission des ressortissants nationaux. Cela inciterait davantage les pays tiers à respecter leurs obligations internationales et favoriserait une meilleure gestion de la migration. Le règlement fait actuellement l’objet de négociations.


De nouveaux projets pilotes

Le rapport sur l’immigration indique que de nouveaux projets pilotes menés au niveau de frontières extérieures importantes (Bulgarie-Turquie, Roumanie-Serbie) ont permis de renforcer la gestion des frontières extérieures, d’intensifier la coopération avec les pays voisins et de garantir des procédures rapides en matière d’asile et de retour. Selon le rapport, ces projets ont déjà produit des résultats tangibles: la Bulgarie, par exemple, a doublé sa capacité d’accueil d’agents du contingent permanent de Frontex, qui ont vu leur nombre passer de 124 à 264.
De même, depuis mars 2023, la Roumanie et la Serbie ont exécuté plus de 400 missions de patrouille conjointes. Les deux projets ont été prolongés au-delà de la période initiale de mise en œuvre (mars-octobre 2023). Au vu de ces résultats, la Bulgarie et la Roumanie transformeront cette action en une coopération à long terme afin de renforcer la gestion des frontières et de la migration. Ces deux pays ont signé à cet effet des cadres de coopération. Cette expérience qualifiée de "réussie" selon le rapport, pourrait servir de fondement à des cadres de coopération plus étendus, y compris au niveau régional.


Remettre de l’ordre dans la gestion ses arrivées

Une coopération structurelle s’est engagée prêter assistance aux personnes en détresse en mer. Cette coopération s’opère par l’intermédiaire du groupe européen de contact en matière de recherche et de sauvetage. Celui-ci, créé en 2021 en tant que plateforme de dialogue structuré entre les États membres de l’UE, les pays associés à l’espace Schengen et les autres parties prenantes concernées, examine la mise en œuvre du cadre juridique et les pratiques en matière de recherche et de sauvetage, qui évoluent constamment.


D’après le rapport sur l’immigration, le mécanisme de solidarité volontaire a été mis en place pour soutenir les États membres sous pression, notamment en raison des arrivées en mer. La Commission coordonne ce mécanisme, avec l’aide de l’Agence de l’Union européenne pour l’asile, en évaluant les besoins des États membres de première entrée et en contrôlant le respect des engagements pris tant en matière de relocalisation que de solidarité financière.
Parallèlement à la concrétisation de plus de 4 000 relocalisations à ce jour, ce mécanisme temporaire a permis de tirer des enseignements pour la mise en œuvre du mécanisme permanent, structuré et prévisible à mettre en place en vertu du pacte, dans le cadre duquel la relocalisation est l’une des formes possibles d’aide aux États membres sous pression.


Réduire le nombre de mouvements secondaires illégaux


Afin d’accompagner la lutte contre les mouvements secondaires, c’est-à-dire intra-Schengen, la Commission a présenté des bonnes pratiques concernant la mise en œuvre de la feuille de route de Dublin, dans le but d’améliorer la communication entre les États membres, de renforcer le respect du droit de l’UE et de limiter le nombre de fuites.


Selon le rapport sur l’immigration, l’objectif général est d’améliorer le niveau des transferts au titre du règlement de Dublin et de limiter ainsi les mouvements non autorisés entre les États membres. Pour atteindre les buts et objectifs de la feuille de route de Dublin, les États membres doivent continuer à la mettre en œuvre en priorité et allouer les ressources humaines et financières nécessaires aux unités «Dublin».  


synthèse par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr

 

 

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jeudi 28 mars 2024

Immigration clandestine : la route de la Méditerranée orientale voit son volume d’arrivée multiplié par deux et celle de l'Afrique de l'Ouest par… cinq

 


Le tout dernier rapport de Frontex met en évidence le dynamisme des routes migratoires. Même si la situation semble se stabiliser, ces routes évoluent rapidement, en témoigne la recrudescence du nombre de passages par celle de la l'Afrique de l'Ouest. De son coté, un rapport sur l’immigration souligne l’importance du rôle opérationnel des agences européennes en la matière. A ce sujet, la montée en puissance de Frontex devient toujours plus palpable avec plus de 2500 garde-frontières déployés.
A noter également des partenariats opérationnels été mis en place avec des pays partenaires pour combattre le trafic de migrants en vue d’une coopération plus approfondie avec Frontex et Europol.



Le succès de la route de l'Afrique de l'Ouest


D’après Frontex, la route de l'Afrique de l'Ouest est restée la route migratoire la plus fréquentée de l'UE, avec des arrivées en janvier et février atteignant près de 12 100. Il s'agit du total le plus élevé pour ces deux mois depuis que Frontex a commencé à collecter des données en 2011.

La deuxième route migratoire la plus active était la Méditerranée orientale, avec le nombre de détections qui a plus que doublé pour atteindre 9 150 au cours des deux premiers mois de l’année.
 
 
Une stabilisation du nombre d’arrivées 
 
Toujours selon Frontex, le nombre de passages irréguliers des frontières vers l'Union européenne au cours des deux premiers mois de 2024 a atteint 31 200, soit un niveau similaire à celui d'il y a un an. 
La Méditerranée centrale a connu la plus forte baisse des détections de passages irréguliers parmi les principales routes (-70 %), tandis que les routes de l'Afrique de l'Ouest et de la Méditerranée orientale ont connu les plus fortes augmentations (+541 % et +117 %, respectivement).

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nombre de franchissements illégaux (janvier/février 2024)
source: Frontex

La route de la Méditerranée centrale, qui a connu le plus grand nombre de traversées irrégulières en 2023, a continué d'afficher une tendance à la baisse par rapport aux derniers mois, avec une baisse de 70 % sur un an pour atteindre un peu plus de 4 300. En janvier, environ 2000 détections ont eu lieu sur le parcours.


Un chantier qui s’ouvre pacte sur la migration et l’asile

Selon le rapport sur l’immigration, l’accord politique historique entre le Parlement européen et le Conseil relatif au pacte dotera l’Union d’une base juridique solide pour gérer la migration de manière globale et intégrée. Onze actes législatifs étroitement liés garantiront une approche collective visant à mieux sécuriser nos frontières extérieures, un système de solidarité et de responsabilité équitable et plus efficace, ainsi que des procédures d’asile efficaces offrant une meilleure protection aux personnes dans le besoin.

La Commission a entamé les préparatifs afin de mettre en œuvre et de rendre opérationnel le pacte. D’ici juin 2024, la Commission présentera un plan commun de mise en œuvre qui définira la voie à suivre et sera assorti d’une feuille de route, d’un calendrier et de jalons concernant les actions de l’Union et des États membres. Le plan recensera les lacunes et les mesures opérationnelles nécessaires pour faire en sorte que tous les États membres mettent en place les capacités juridiques et opérationnelles requises afin de commencer à appliquer avec succès la nouvelle législation d’ici à 2026.

Le plan de mise en œuvre de la Commission comprendra des analyses des lacunes par pays qui pourront servir de base aux États membres afin d’élaborer leur propre plan national de mise en œuvre. Les États membres devront également élaborer des stratégies nationales, qui constitueront ensuite la base d’une stratégie européenne quinquennale de gestion de l’asile et de la migration, qui sera élaborée par la Commission dans un délai de 18 mois à compter de l’entrée en vigueur des nouvelles règles.


Une approche axée sur l’ensemble de la route

D’après le rapport sur l’immigration, l’une des principales innovations de ces dernières années a été de s’orienter vers une approche axée sur l’ensemble de la route afin de traiter les mouvements mixtes de réfugiés et de migrants, en tenant compte de l’ensemble des situations dans lesquelles les personnes peuvent se trouver et en les examinant avec les pays d’origine et de transit.
La Commission a élaboré quatre plans d’action de l’UE – consacrés aux routes des Balkans occidentaux, de la Méditerranée centrale, de l’Atlantique/de la Méditerranée occidentale et de la Méditerranée orientale – afin de tracer la voie à suivre pour une action collective et opérationnelle sur ces routes. Ils contiennent une série d’actions qui, à ce jour, sont en train d’être mises en œuvre ou sont déjà achevées. Cette approche plus ciblée et coordonnée a renforcé la réactivité et l’agilité de l’Union face à des défis en constante évolution, grâce à un large éventail de mesures à court et moyen terme.
Les plans d’action de l’UE s’adaptent aux spécificités de chaque route et renforcent le soutien apporté par l’Union aux États membres soumis à une pression migratoire et aux pays partenaires, notamment grâce au travail des agences de l’UE. Les actions de ces plans visent à réduire la migration irrégulière et dangereuse.


Un exemple plan d’action : les routes de la Méditerranée occidentale et de l’Atlantique

Le rapport sur l’immigration indique que le plan d’action de l’UE concernant les routes de la Méditerranée occidentale et de l’Atlantique, adopté en juin 2023, met l’accent sur le renforcement des mesures opérationnelles concernant la recherche et le sauvetage, la prévention des départs irréguliers, la protection des frontières, les procédures de retour, et la migration de la main-d’œuvre. Son approche axée sur l’ensemble de la route a renforcé la coopération avec le Maroc, la Mauritanie, le Sénégal, la Côte d’Ivoire et la Gambie. Le plan consiste notamment à renforcer les capacités, à intensifier les activités de lutte contre le trafic de migrants, la gestion des frontières, la protection, et la migration de main-d’œuvre, ainsi qu’à relever les défis découlant des problèmes de sécurité au Sahel.


Les agences sur tous les fronts

Des experts des agences de l’UE, telles que l’AUEA, Europol, Frontex et Eurojust, sont déployés aux principaux points d’entrée pour aider les autorités nationales à identifier les personnes qui pénètrent sur le sol de l’Union.

Au 4 mars 2024, Europol comptait 79 déploiements dans 11 États membres et en Moldavie.
Ces équipes, composées de spécialistes d’Europol et d’agents invités, aident les autorités nationales dans le cadre de contrôles de sécurité secondaires et d’enquêtes. Elles recueillent également des informations sur le terrain, qui sont utilisées pour réaliser des évaluations de la menace criminelle au niveau européen et soutenir les enquêtes.

Les équipes d’appui «asile» de l'Agence de l’UE pour l’asile (AUEA) déployées dans l’ensemble de l’UE apportent un soutien aux autorités nationales compétentes en matière d’asile et d’accueil dans les domaines de la gouvernance, de la planification stratégique, de la qualité et des procédures.
Au 3 mars 2024, l’AUEA comptait 1 141 déploiements dans 12 États membres.


Le fer de lance : les déploiements de Frontex


Au début de l’année 2024, Frontex compte 22 activités opérationnelles en cours qui visent à soutenir les États membres et les pays associés à l’espace Schengen en matière de contrôle aux frontières et de retour, de même que des pays partenaires. À ce jour, l’Agence a déployé plus de 2 700 membres du corps permanent. Les opérations apportent un soutien à la surveillance des frontières terrestres, maritimes et aériennes. Elles soutiennent entre autres tâches les contrôles aux points de passage frontaliers ainsi que les opérations de retour.
Aujourd’hui, 2650 garde-frontières et garde-côtes du contingent permanent sont déployés afin d’aider les États membres dans le cadre des contrôles aux frontières, des opérations de retour et de la surveillance des frontières.

Au début de l’année 2024, Frontex avait déployé plus de 500 agents dans les Balkans occidentaux, en Albanie, au Monténégro, en Macédoine du Nord et en Serbie, ainsi qu’en Moldavie, pour aider les autorités nationales dans les domaines de la gestion des frontières, de la surveillance, de la détection des documents falsifiés et de la lutte contre la criminalité transfrontalière, ainsi que des véhicules utiles à ces tâches.

Des avancées considérables, dont la conclusion par Frontex de 17 arrangements de travail et de cinq accords sur le statut, ont été réalisées durant le mandat actuel. Ces arrangements et accords comportent systématiquement des garanties en matière de droits fondamentaux. Actuellement, plus de 500 officiers de liaison sont dépêchés dans les pays tiers, qui œuvrent dans le cadre d’un réseau européen commun et sont chargés de collecter et de partager des informations essentielles en vue d’obtenir une vision commune de la situation au niveau européen.


Des partenariats opérationnels visant à combattre le trafic de migrants


Des partenariats opérationnels, spécifiques et adaptés aux besoins, ont été mis en place avec des pays partenaires, les États membres et les agences des Nations unies pour combattre le trafic de migrants dans des endroits stratégiques. Un premier partenariat a été lancé avec le Maroc en juillet 2022, ouvrant la voie à une coopération plus approfondie avec Frontex et Europol.

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Ce partenariat pourrait conduire à la conclusion d’un accord de travail et au déploiement d’un officier de liaison. Le partenariat opérationnel avec la Tunisie, conclu en avril 2023, couvre les négociations menées en vue d’un accord de travail avec Europol et de la poursuite de la coopération avec CEPOL et sera complété par un programme, doté d’un budget de 18 millions d’euros, en faveur de la lutte contre le trafic de migrants et la traite des êtres humains en Tunisie. Un partenariat opérationnel régional avec les Balkans occidentaux a été lancé en novembre 2022 et a été suivi en juin 2023 d’un programme régional de lutte contre le trafic de migrants d’un montant de 36 millions d’euros.

Une boîte à outils opérationnels et diplomatiques


La Commission est présente en Afrique et en Asie dans le cadre d’une coopération opérationnelle bilatérale et régionale. Cette coopération se traduit notamment par un soutien à la coopération policière et judiciaire, par le renforcement des capacités de gestion des frontières terrestres et maritimes et par l’organisation de campagnes d’information et de sensibilisation. Des campagnes d’information financées par l’UE ont été lancées au printemps 2023 afin de mettre les migrants en garde contre les dangers liés à l’acceptation d’une aide des passeurs. Ces campagnes ciblent les pays d’origine et de transit situés le long des principales routes migratoires, notamment le Nigeria, la Tunisie, le Maroc, le Sénégal, la Gambie, le Pakistan et l’Iraq.
En outre, en juin 2023, la Commission a adopté une boîte à outils visant à lutter contre l’utilisation de moyens de transport commerciaux pour faciliter la migration irrégulière vers l’UE. Ces outils consistent notamment en un ensemble de mesures opérationnelles et diplomatiques devant permettre de remédier à l’augmentation de l’utilisation abusive du transport commercial par les réseaux criminels qui se livrent au trafic de migrants. La boîte à outils a été mise en place afin d’encadrer les discussions avec les pays partenaires (Turquie, Pakistan) et contribue de la sorte à la diminution des arrivées irrégulières dans l’UE, en particulier à Chypre.

synthèse par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr

 


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