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mardi 20 août 2013

Le projet de Parquet européen voit le jour


La naissance du projet était attendue cette année et la voilà donc. La Commission a présenté cet été une proposition de règlement visant à créer un Parquet européen. Fondé sur l’article 86 du traité sur le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), il complète une proposition de directive qui définit les infractions pénales ainsi que les sanctions applicables, actuellement en cours d’adoption (à lire sur securiteinterieure.fr : Lutte antifraude : un tour de vis de plus pour protéger le budget de l'UE).

En soi, la publication de ce projet de texte n’est pas une surprise puisqu’elle est la concrétisation d’une prescription du traité et la Commission avait annoncé qu'elle préparait le document pour cette année. Elle marque néanmoins une étape décisive vers la création tangible d’un Parquet européen qui, il faut le rappeler, était l’un des serpents de mer de la construction européenne. Jadis farouchement opposés, les Etats membres avaient préféré la mise en place de l’unité de coopération judiciaire Eurojust.
Si la défunte constitution européenne avait évoqué l’idée d’un Parquet européen, le traité de Lisbonne a finalement gravé dans le marbre l’un des projets phares de l’espace pénal européen. Pour autant, la route est longue et le règlement doit encore être adopté par le Conseil de l’UE et ce, à l’unanimité (c’est-à-dire avec l’assentiment des 28 ministres de la Justice des pays de l’Union).

Pourquoi la création d’un Parquet européen ?

D’après la Commission, la poursuite des infractions affectant le budget de l’Union européenne relève à l’heure actuelle de la compétence exclusive des États membres, et aucune autorité de l’UE n’existe dans ce domaine. Bien que le préjudice potentiel soit loin d’être négligeable, ces infractions ne donnent pas toujours lieu à enquêtes ni à poursuites de la part des autorités nationales compétentes, les ressources en matière de répression étant limitées. En conséquence, les efforts déployés au plan national pour faire appliquer la loi restent souvent dispersés et la dimension transfrontière de ces infractions échappe généralement à l’attention des autorités.

Alors que la lutte contre la fraude transfrontière exigerait une coordination étroite et efficace des enquêtes et des poursuites au niveau européen, les niveaux actuels d’échange d’informations et de coordination ne sont guère suffisants, malgré l’intensification des efforts déployés par les organes de l’Union tels qu’Eurojust, Europol et l’Office européen de lutte antifraude (OLAF).

Le procureur européen et les procureurs délégués

Le Parquet européen est institué sous la forme d’un organe de l’Union doté d’une structure décentralisée. Il dispose de la personnalité juridique.  Il est indépendant mais il est tenu de rendre des comptes au Parlement européen, au Conseil et à la Commission européenne au sujet des activités générales du Parquet européen, notamment en établissant un rapport annuel

Le Parquet européen est dirigé par le procureur européen, qui en supervise les activités et en organise les travaux. Le procureur européen est :
  • est assisté de quatre procureurs adjoints ;
  • nommé par le Conseil avec l’approbation du Parlement européen pour un mandat de huit ans, non renouvelable ;
  • est choisi parmi des personnalités offrant toutes garanties d’indépendance.
Les enquêtes et poursuites du Parquet européen sont menées par les procureurs européens délégués sous la direction et la surveillance du procureur européen. Lorsque cela est jugé nécessaire dans l’intérêt de l’enquête ou des poursuites, le procureur européen peut aussi exercer directement ses pouvoirs.

Chaque État membre doit compter au moins un procureur européen délégué qui fait partie intégrante du Parquet européen. Les procureurs européens délégués agissent sous l’autorité exclusive du procureur européen et suivent ses seules instructions, orientations et décisions lorsqu’ils mènent des enquêtes et des poursuites dans les affaires qui leur ont été confiées. Lorsqu’ils agissent dans les limites de leur mandat au titre du présent règlement, ils sont totalement indépendants des organes nationaux de poursuite et n’ont aucune obligation à leur égard.

L’ouverture de l’enquête

Toutes les autorités nationales des États membres et l’ensemble des institutions, organes et organismes de l’Union informent immédiatement le Parquet européen de tout comportement susceptible de constituer une infraction relevant de sa compétence.

Si les procureurs européens délégués prennent connaissance de tout comportement susceptible de constituer une infraction relevant de la compétence du Parquet européen, ils en informent immédiatement le procureur européen.

Le Parquet européen peut recueillir, ou recevoir de toute personne, des informations relatives à un comportement susceptible de constituer une infraction relevant de sa compétence.

Le déroulement de l’enquête

Lorsque l’enquête est déclenchée par le procureur européen, il attribue l’affaire à un procureur européen délégué sauf s’il souhaite effectuer lui-même l’enquête,

Le procureur européen délégué désigné mène l’enquête au nom et sur instructions du procureur européen. Le procureur européen délégué désigné peut soit procéder aux mesures d’enquête de sa propre initiative, soit donner instruction en ce sens aux autorités répressives compétentes de l’État membre où il est affecté. Ces autorités se conforment aux instructions du procureur européen délégué et exécutent les mesures d’enquête dont elles sont chargées.

Dans les affaires transfrontières, lorsque les mesures d’enquête doivent être exécutées dans un État membre autre que celui dans lequel l’enquête a été déclenchée, le procureur européen délégué qui l’a déclenchée, ou auquel le procureur européen a confié l’affaire, agit en étroite concertation avec le procureur européen délégué du lieu où la mesure d’enquête doit être exécutée. Ce dernier procureur européen délégué soit se charge lui même des mesures d’enquête, soit donne instruction aux autorités nationales compétentes de les exécuter.

Le procureur européen surveille les enquêtes menées par les procureurs européens délégués et en assure la coordination. Si besoin est, il leur donne des instructions. Lorsque le procureur européen procède directement à l’enquête, il informe le procureur européen délégué de l’État membre dans lequel les mesures d’enquête doivent être mises en œuvre. Toute mesure d’enquête menée par le procureur européen doit être mise en œuvre en liaison avec les autorités de l’État membre dont le territoire est concerné. Les mesures coercitives sont exécutées par les autorités nationales compétentes.

Le Parquet européen mène ses enquêtes de façon impartiale, et cherche tous les éléments de preuve pertinents, aussi bien à charge qu’à décharge. Ses activités sont exercées dans le respect total des droits des personnes soupçonnées consacrés par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, notamment le droit à un procès équitable et les droits de la défense.
Lorsqu’il adopte des mesures procédurales dans l’exercice de ses fonctions, le Parquet européen est considéré comme une autorité nationale aux fins du contrôle juridictionnel.

La clôture de l’enquête

Lorsque le procureur européen délégué compétent considère que l’enquête est achevée, il présente pour contrôle au procureur européen un résumé de l’affaire, accompagné d’un projet d’acte d’accusation et de la liste des éléments de preuve. S’il n’ordonne pas le classement sans suite de l’affaire, le procureur européen enjoint au procureur européen délégué de porter l’affaire devant la juridiction nationale compétente avec un acte d’accusation, ou de la lui renvoyer pour complément d’enquête. Le procureur européen peut également porter lui-même l’affaire devant la juridiction nationale compétente.

Lorsque l’affaire n’est pas classée sans suite mais qu’une décision en ce sens contribuerait à une bonne administration de la justice, le Parquet européen peut, après réparation du préjudice, proposer au suspect de payer une amende forfaitaire qui, une fois réglée, entraîne le classement définitif de l’affaire (transaction). 
Si le suspect accepte, il paie l’amende forfaitaire à l’Union. Le Parquet européen supervise alors le recouvrement du paiement sur lequel porte la transaction.

Lorsque, à la demande du Parquet européen, la juridiction nationale compétente a, par voie de décision définitive, décidé de confisquer tout bien en rapport avec une infraction relevant de la compétence du Parquet européen ou tout produit provenant d’une telle infraction, la valeur monétaire de ces biens ou produits est versée au budget de l’Union, dans la mesure nécessaire pour réparer le préjudice causé à l’Union.

Les pouvoirs du Parquet européen

Aux fins des enquêtes et poursuites menées par le Parquet européen, le territoire des États membres de l’Union est considéré comme un espace juridique unique dans lequel le Parquet européen peut exercer ses compétences.
Le Parquet européen est habilité à demander ou à ordonner les mesures d’enquête suivantes lorsqu’il exerce ses compétences:
  • la perquisition de tous locaux;
  • le scellé de locaux et de moyens de transport ainsi que le gel de données;
  • le gel des instruments ou des produits du crime, y compris le gel des avoirs;
  • l’interception de télécommunications et la surveillance en temps réel de télécommunications;
  • la surveillance des transactions financières et le gel de transactions financières à venir;
  • des mesures de surveillance dans des lieux non publics, en ordonnant la surveillance vidéo et audio discrète de tels lieux, sauf la vidéosurveillance des domiciles privés, et l’enregistrement des résultats de cette surveillance;
  • la conduite d’enquêtes discrètes, en ordonnant à un agent des services répressifs d’agir secrètement ou sous une fausse identité;
  • la convocation de suspects et de témoins;
  • des mesures d’identification, en ordonnant la prise de photographies, l’enregistrement visuel des personnes et l’enregistrement des identificateurs biométriques d’une personne;
  • la saisie d’objets qui sont nécessaires à titre de preuves;
  • l’accès à des locaux et le prélèvement d’échantillons de biens;
  • l’inspection de moyens de transport, lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire que des biens en relation avec l’enquête sont transportés;
  • des mesures visant à pister et contrôler des personnes, afin de localiser un individu;
  • des mesures visant à pister et tracer tout objet par des moyens techniques, y compris les livraisons contrôlées de biens et les transactions financières contrôlées;
  • une surveillance ciblée, dans des lieux publics, des suspects et de tierces personnes;
  • l’accès aux registres publics nationaux ou européens et aux registres tenus par des entités privées dans un intérêt public;
  • l’interrogatoire du suspect et des témoins;
  • la désignation d’experts.

Liens avec Eurojust

Le Parquet européen bénéficie des ressources et de l’appui de l’administration d’Eurojust (à lire sur securiteinterieure.fr : La France est le pays le plus demandeur de l'assistance d'Eurojust). Sur le plan opérationnel, le Parquet européen peut associer Eurojust à ses activités:
  • en partageant avec lui des informations, y compris des données à caractère personnel, sur ses enquêtes;
  • en demandant à Eurojust de participer à la coordination de mesures d’enquête bien précises;
  • en demandant à Eurojust ou à son ou ses membre(s) national (nationaux) compétent(s) d’user des pouvoirs

(synthèse du texte par securiteinterieure.fr)

A lire la suite de cet article :

A lire également :

A relire en outre la note de la Fondation Robert Schuman sur l'espace pénal européen

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