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vendredi 30 octobre 2015

Crise des réfugiés : alors que l'Europe débloque 10 milliards d'euros, les Etats ne mettent pas réellement en oeuvre les mesures qu'ils ont promises


Passer de la parole aux actes est décidément difficile pour les Etats membres de l'UE, y compris sur le volet sécuritaire. Il est bien plus aisé, au regard de la culture politique nationale, d'adresser des injonctions à l'Europe, que de faire appliquer les décisions prises conjointement.
C'est du moins ce qui ressort d'un rapport de mise en œuvre présenté par la Commission, faisant un bilan de la situation.

La situation est grave puisque plus de 710 000 personnes ont gagné l’Europe au cours des neuf premiers mois de l’année, et, d'après la Commission, cette tendance est appelée à se poursuivre.
Or, les efforts européens sont conséquents : près de 10 milliards d'euros sont débloqués en 2015 et 2016.

Des financements européens conséquents

L'Union européenne a:
  • engagé une aide d'urgence pour 2015 de 100 millions d'euros;
  • renforcé les trois agences clés avec 120 postes supplémentaires (60 pour FRONTEX, 30 pour le Bureau européen d’appui en matière d’asile et 30 pour EUROPOL);
  • annoncé des fonds supplémentaires pour l'instrument européen de voisinage (300 millions d'euros) et le redéploiement d'autres fonds de l'UE de sorte que le Fonds d'affectation spéciale de l'UE pour la Syrie puisse atteindre au moins 500 millions d'euros cette année;
  • prévu une augmentation des fonds en faveur de l'aide humanitaire de 500 millions d'euros (200 millions d'euros en 2015 et 300 millions d'euros en 2016);
  • décidé des engagements supplémentaires pour 2016, d'un montant de 600 millions d'euros, en vue d'accroître les fonds d'urgence alloués aux questions migratoire.
Au total, cela signifie, d'après la Commission, que les fonds disponibles pour la gestion de la crise des réfugiés s'élèveront à 9,2 milliards d'euros en 2015 et 2016.  En outre :
  • Le Parlement européen et le Conseil devraient adopter les modifications au budget 2016, conformément à la proposition de la Commission;
  • Les États membres doivent concrétiser l'engagement de 500 millions d'euros en appui de l'aide humanitaire en faveur des réfugiés pour atteindre 1 milliard d'euros;
  • Les États membres doivent égaler les 500 millions d'euros de fonds dégagés sur le budget de l'UE en faveur du Fonds régional d'affectation spéciale de l'UE en réponse à la crise syrienne et les 1,8 milliard d'euros de fonds de l'UE en faveur du Fonds d'affectation spéciale de l'UE pour l'Afrique.

Des capacités en zones de crise à améliorer

La Grèce a désigné 5  zones de crise, à savoir Lesbos, Chios, Leros, Samos et Kos. L'Italie a désigné 6 zones : Augusta, Lampedusa, Porte Empedocle, Pozallo, Taranto et Trapani comme zones de crise.
La première équipe d'appui à la gestion des flux migratoires, qui opère à Lampedusa, est actuellement constituée de deux équipes de débriefing de Frontex et d'experts de le Bureau européen d’appui en matière d’asile affectés au centre de crise et à un centre voisin utilisé pour la relocalisation. Frontex a déjà déployé 42 agents invités et le Bureau européen d’appui en matière d’asile a envoyé 6 experts.
  
Pour que l'approche des zones et centres de crise soit efficace, il est, d'après la Commission, essentiel d'augmenter les capacités d'accueil pour pouvoir héberger les demandeurs d'asile en attente de relocalisation. 
Il faut également des capacités de rétention adaptées pour accueillir les migrants en situation irrégulière avant que les décisions de retour ne soient exécutées. 
L'Italie a renforcé ses capacités d'accueil et a ouvert, dans quatre des zones de crise recensées, des centres de premier accueil pouvant héberger 1 500 personnes environ. Un millier de places supplémentaires seront disponibles d'ici la fin de l'année, ce qui portera la capacité de premier accueil à 2 500 personnes au total. 

L'absence de contribution des Etats aux agences européennes en zones de crise
 
D'après la Commission, il  est essentiel pour la crédibilité et la stratégie de l'UE de démontrer qu'il est possible de rétablir le bon fonctionnement du système de migration, notamment en faisant appel aux équipes d'appui à la gestion des flux migratoires dépêchées dans les zones de crise  pour aider les États membres qui se trouvent en première ligne à respecter leurs obligations et à s'acquitter de leurs responsabilités. 
Pour mener à bien leur mission, ces équipes d'appui doivent pouvoir compter sur un noyau solide d'agences de l'UE, sur la coopération la plus étroite possible des autorités grecques et italiennes, ainsi que sur le soutien des autres États membres.
 
Tant en Grèce qu'en Italie, les équipes d'appui à la gestion des flux migratoires se mettent en place et sont coordonnées par les tasks forces régionales de l'Union européenne, à la suite du renforcement de la présence des agences prévu par l'agenda européen en matière de migration. Frontex, le Bureau européen d’appui en matière d’asile, Europol et Eurojust sont tous associés au processus  et peuvent donc répondre immédiatement aux besoins recensés.
 
Les activités de ces agences sont néanmoins largement tributaires de l'aide des États membres. Frontex et le Bureau européen d’appui en matière d’asile ont tous deux lancé des appels à contributions aux États membres afin d'obtenir du personnel et du matériel technique.
Dans son dernier appel à contributions, Frontex a demandé 775 gardes-frontières, interprètes et experts en filtrage et en débriefing supplémentaires - les tâches concernées étant toutes indispensables pour gérer efficacement les frontières extérieures de l'Union européenne. L'appel portait :
  • sur 670 agents destinés à fournir une aide directe dans le cadre de l'approche des zones et centres de crise en Italie et en Grèce et à couvrir les besoins estimés d'ici à la fin de janvier 2016;
  • sur 105 agents invités appelés à être déployés en divers points de la frontière extérieure terrestre de l'Union européenne.
 
À ce jour, toutefois, les engagements des États membres sont loin de correspondre aux besoins réels. Jusqu'ici, six États membres ont répondu à l’appel de Frontex en mettant 48 gardes-frontières à disposition.  

Les autres moyens de soutenir les États membre... non alimentés par eux 
 
  • Les États membres peuvent demander le déploiement d’équipes d’intervention rapide aux frontières (RABIT), en vue de fournir l'assistance immédiate de garde-frontières en cas de pression migratoire urgente ou exceptionnelle. Or, à ce jour, ni la Grèce ni l'Italie n'ont activé ce mécanisme;
  • Le mécanisme de protection civile de l'UE peut être activé par un État qui se sent dépassé par une crise. Ce mécanisme de protection civile de l'UE a été activé à 2 reprises pour aider la Hongrie et une fois pour aider la Serbie à faire face aux besoins urgents découlant d'un afflux sans précédent de réfugiés et de migrants.
    Cependant, seulement 8 États membres ont fait savoir qu'ils disposaient de moyens de protection civile ou d'experts qu'ils seraient prêts à déployer cette année encore en cas de demande;
  • TRITON et POSEIDON de Frontex continue de permettre de soutenir, au quotidien, la gestion des frontières extérieures. À l'heure actuelle, 17 États membres fournissent des moyens àces 2 opérations bénéficiant des moyens de 18 États membres. Toutefois, les moyens débloqués ne permettent toujours pas de répondre aux besoins. 
 
Le (difficile) déploiement (par les Etats) du programme de relocalisation
 
Le 14 septembre, le Conseil a adopté la proposition de décision de relocalisation, depuis l'Italie et la Grèce, de 40 000 personnes ayant manifestement besoin d'une protection internationale. Cette adoption a été suivie, une semaine plus tard, par une autre décision visant à relocaliser 120 000 personnes.
 
Les relocalisations de personnes ont commencé, mais il reste fort à faire pour atteindre rapidement un rythme de plusieurs centaines de transferts par mois. Tous les États membres ont été invités à désigner des points de contacts nationaux: à ce jour 21 d'entre eux l'ont fait. Il leur a également été demandé d'envoyer, si nécessaire, des officiers de liaison en Grèce et en Italie. Jusqu'ici, 22 États membres ont donné suite à cette requête.
 
L'expulsion et la réadmission des migrants illégaux
 
À l'heure actuelle, le nombre de décisions de retour mises à exécution est beaucoup trop faible et les réseaux de trafiquants en jouent pour attirer des migrants qui n'ont pas besoin d'une protection internationale. Plus le système de retour sera efficace, moins les trafiquants auront de chances de persuader les gens qu'ils pourront «se faufiler à travers les mailles du filet» s'ils sont identifiés comme n'ayant pas besoin d'une protection internationale.
 
Lors du Conseil de la justice et des affaires intérieures d'octobre 2015, les États membres ont adopté le plan d'action de l'UE en matière de retour proposé par la Commission . Il est maintenant important de lui donner suite rapidement et efficacement.
Pour la Commission, la fréquence de ces opérations doit augmenter.
  
Quant à la réadmission, elle est une composante indispensable de toute politique efficace en matière de migration.
 Pour soutenir ce processus, il a été convenu que les États membres dépêchent des officiers de liaison «migration» européens dans onze pays d'ici la fin de 2015, ce qui n'a pas encore été fait. La haute représentante a donné le coup d'envoi des premiers dialogues à haut niveau avec les principaux pays d'origine des migrants en situation irrégulière.
Ils seront suivis de divers dialogues plus larges avec l'Éthiopie, la Somalie, l'Union africaine et les pays du Sahel.
La priorité immédiate est de faire en sorte que les accords de réadmission existants soient effectivement appliqués.
 
 La dimension extérieure


La Turquie est un partenaire central. Le plan d'action détaillé sur la migration remis par le président Juncker au président Erdoğan le 5 octobre définit une série de mesures concrètes englobant à la fois l'aide aux réfugiés, aux migrants et à leurs communautés d'accueil et le renforcement de la coopération afin d'empêcher la migration clandestine.
À l'heure actuelle, la Commission dialogue activement avec les autorités turques afin de finaliser le plan d'action.

Le 7 octobre, l'opération militaire de l'Union européenne dans la partie sud de la Méditerranée - opération EUNAVFOR MED Sophia - est entrée dans les eaux internationales, conformément à la deuxième phase de ses opérations, après avoir rempli les objectifs de sa première phase (surveillance et évaluation des réseaux de trafic et de traite d'êtres humains) et après avoir contribué au sauvetage de plus de 3 000 personnes. 
Elle pourra désormais procéder à l'arraisonnement, à la fouille, à la saisie et au déroutement en haute mer des navires et des embarcations soupçonnés d'être utilisés pour la traite des êtres humains ou le trafic illicite de migrants et contribuera à la traduction en justice les passeurs présumés. 
 
Le plan d’action de l’UE contre le trafic de migrants, présenté en mai , est en cours de mise en œuvre, ainsi que les opérations visant à faire appliquer la loi tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'UE. À titre d'exemple, des campagnes sont actuellement menées en Éthiopie et au Niger afin de prévenir le trafic de migrants à la source. 
 
L'événement phare de la nouvelle priorité sur les questions migratoires le mois prochain sera le sommet de la Valette sur la migration (11-12 novembre). 
Il sera l'occasion de démontrer que tant l'Union que ses partenaires africains peuvent entreprendre des actions concrètes afin de s'attaquer aux causes profondes de la migration clandestine et d'assurer une migration et une mobilité ordonnées, sûres, légales et responsables. 
 Selon la Commission, l'aspect fondamental de ce type de partenariats est que l'Union doit soutenir ses partenaires - par son assistance financière, son expertise, sa confiance dans la collaboration et la démonstration d'un effort commun.

synthèse du texte par securiteinterieure.fr



A lire par ailleurs sur securiteinterieure.fr, le Dossier spécial "Crise des réfugiés" de securiteinterieure.fr



RAPPEL IMPORTANT PAR AILLEURS : l'angle retenu est celui de la sécurité, mais il convient de noter que cette crise revêt de nombreux autres aspects, humanitaires notamment (consulter à ce sujet  la charte éditoriale de securiteinterieure.fr).

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