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lundi 14 mars 2016

Crise des réfugiés : les réseaux sociaux invités à s'investir davantage dans la lutte contre les passeurs de migrants


A l'heure où Google, Facebook et Twitter s'unissent contre la radicalisation en ligne, la solution à la crise des réfugiés semble passer par un renforcement de la lutte contre le trafic de migrants et les réseaux & médias sociaux sont invités à mieux s'impliquer. C'est du moins ce que préconisent les 28 ministres du Conseil dans des conclusions adoptées le 10 mars 2016.
Concrètement, il s'agit de faire en sorte que les médias sociaux contribuent à établir une analyse prévisionnelle des flux de migrants. Plus généralement, il s'agit de réfléchir à la manière dont ils peuvent être utilisés contre le trafic de migrants.
Cela étant, les médias sociaux ne sont pas les seuls. Les banques sont, elles aussi, incitées à prendre part aux enquêtes financières dans le cadre d'affaires de trafic de migrants.

Il faut dire que la situation est grave. Selon des informations communiquées :
  • par Frontex, le nombre de personnes qui ont franchi illégalement les frontières de l'UE en 2015 est estimé à 1,8 million, ce qui représente une hausse de 546 % par rapport à 2014;
  • par des organisations internationales, telles que l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 3 770 migrants ont péri en mer Méditerranée en 2015.

La gravité de la menace

Le trafic de migrants devient une forme de criminalité de plus en plus violente, susceptible d'aller de pair avec des violences physiques ou psychologiques graves et des violations des droits de l'homme, et présentant en particulier des risques pour les femmes et les enfants.

Dans son évaluation 2013 de la menace que représente la grande criminalité organisée (SOCTA) (à lire sur securiteinterieure.fr : SOCTA 2013 : le trafic illicite de déchets et la fraude à l'énergie sont les nouvelles menaces émergentes), Europol démontre l'existence de liens entre les groupes criminels organisés actifs dans le trafic des migrants, dont les risques sont faibles et les profits élevés, et d'autres secteurs de la criminalité, tels que le trafic de drogue et la traite des êtres humains.

Les grandes lignes de la stratégie mise en place

Pour les ministres, le trafic de migrants est une forme grave de criminalité organisée. Seule est possible une approche globale, pluridisciplinaire et transfrontière des États membres, associant les autorités répressives et judiciaires, les services d'inspection dans les domaines du travail, de la santé, de la pêche et en matière sociale, les polices des frontières, les services d'immigration, les gouvernements locaux et régionaux, les autorités fiscales et douanières, les ONG, les entreprises, les syndicats, les associations patronales et les ambassades, ainsi que les agences concernées de l'UE telles qu'Europol, Eurojust et Frontex.

Puisque les passeurs sont motivés par les profits financiers qu'ils peuvent réaliser, il est essentiel de suivre les flux financiers dans les affaires de trafic de migrants afin de réunir des éléments de preuve, d'identifier les organisations criminelles et de dresser une cartographie de celles-ci et de leurs liens, de recueillir des renseignements financiers, de localiser les avoirs d'origine criminelle, et de geler et saisir les produits des activités criminelles des passeurs et autres facilitateurs impliqués.

Le rôle des Etats membres

Le Conseil les invite à :
  •  à accélérer le processus d'enregistrement systématique en prenant les empreintes digitales des ressortissants de pays tiers entrant illégalement dans l'espace Schengen;
  • à supprimer progressivement les documents d'identité non biométrique;
  • à élargir la collecte de statistiques sur la criminalité à laquelle procède Eurostat pour y inclure  des données sur le trafic de migrants;
  • à tirer le meilleur parti des systèmes d'information en place et des données publiques, des plateformes et des partenariats avec des entreprises de médias sociaux, pour partager des données relatives au trafic, et à utiliser ces systèmes pour procéder à une analyse prévisionnelle des flux de migrants et des activités de trafic qui en découlent;
  • à renforcer la coopération avec Europol, en particulier en échangeant des informations et des renseignements fiables et actualisés sur le trafic de migrants et en coopérant activement avec son centre européen chargé de lutter contre le trafic de migrants; 
  • à approfondir les enquêtes financières menées dans le cadre des affaires de trafic de migrants afin de recueillir des éléments de preuve, de répertorier les organisations criminelles, de détecter, geler et saisir les produits des activités criminelles des passeurs;
  • à mener au niveau de l'UE,un dialogue avec le secteur privé, notamment le secteur des transports, pour des bonnes pratiques afin de prévenir le trafic de migrant.

Le rôle de la Commission européenne

Le Conseil l'invite à :
  • faire en sorte qu'un état des lieux soit établi concernant la manière dont les médias sociaux sont utilisés aux fins du trafic de migrants;
  • présenter des projets visant à supprimer les obstacles d'ordre pratique, comme les barrières linguistiques, entre toutes les autorités concernées par les questions de migration, les autorités répressives et les autorités judiciaires des États membre; 
  • à examiner les facteurs d'incitation et de dissuasion qui entrent en ligne de compte dans le cadre du trafic de migrants, par exemple en encourageant les pays d'origine et de transit à jouer un rôle plus proactif à travers la collecte, l'échange et l'analyse d'informations et au moyen d'enquêtes et de poursuites visant les passeurs;
  • à aider les États membres à mettre en place un réseau de points de contact uniques pour encourager la coopération opérationnelle concernant le trafic de migrants.

Le rôle des agences européennes

Concernant Europol, son centre européen chargé de lutter contre le trafic de migrants (EMSC) doit faire office, au sein d'Europol, de plateforme de coordination en matière de trafic de migrants. Il convient que :
  • l'EMSC déploie des agents en vue d'accroître, au printemps 2016 au plus tard, le soutien aux États membres qui en ont besoin; 
  • Europol élabore le concept d'agents invités et le mette en œuvre dans les hotspots, l'objectif étant d'appuyer le processus de filtrage, notamment par le renforcement des contrôles de sécurité secondaires; 
  • l'EMSC, agissant en coopération avec l'unité chargée du signalement des contenus sur Internet complète les activités menées actuellement par d'autres acteurs en soutenant l'élargissement des plateformes de coopération actuelles et futures avec les médias sociaux et les fournisseurs de services Internet, ainsi qu'avec les établissements financiers (Europol).

Concernant Eurojust, son groupe thématique sur le trafic de migrants, créé récemment en son sein d'Eurojust, se donne pour objectif :
  • partage en temps utile les informations appropriées, portant par exemple sur les enquêtes en cours, des lignes directrices relatives aux enquêtes et les arrêts phares de la jurisprudence;
  • recense et analyse les obstacles à la coopération judiciaire et en matière de poursuites, tels que  ceux liés :
    • à la revendication de compétence, en particulier en haute mer;
    • aux différences entre États membres relatives à la définition du "trafic de migrants";
    • au champ d'application de l'"exception humanitaire";
    • à la collecte, au stockage et à l'échange d'informations ainsi d'éléments de preuve;
  • améliore l'utilisation des instruments juridiques européens et internationaux, en vue notamment de recenser les éventuelles lacunes d'ordre juridique ou pratique de ces instruments (Eurojust).

Les agences européennes concernées par le trafic de migrants sont invitées :
  • à faire organiser, sur la question du trafic de migrants, des activités de formation pluridisciplinaires,notamment des activités liées à l'élaboration de profils de risque.
    Il convient que ces activités soient ouvertes à tous les agents s'occupant de la lutte contre le trafic de migrants,notamment les policiers, agents des services d'immigration et garde-frontières;
  • à aider les États membres, en coopération également avec les cellules de renseignement financier et les banques, à recourir en amont aux enquêtes financières dans le cadre d'affaires de trafic de migrants.

synthèse du texte par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


A lire également :

A lire par ailleurs sur securiteinterieure.fr, le Dossier spécial "Crise des réfugiés" de securiteinterieure.fr




RAPPEL IMPORTANT PAR AILLEURS : l'angle retenu est celui de la sécurité, mais il convient de noter que cette crise revêt de nombreux autres aspects, humanitaires notamment (consulter à ce sujet  la charte éditoriale de securiteinterieure.fr).

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