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jeudi 9 mars 2017

Délinquance, sécurité et Schengen : que disent les candidats à la présidentielle ?


Les élections présidentielles approchent à grands pas et securiteinterieure.fr s’est livré à une lecture des différents programmes des candidats à l’élection présidentielle, sur les thèmes de la délinquance, de la sécurité et de Schengen notamment. L’idée est d’avoir un regard panoramique sur les programmes en cours, du moins concernant les 5 grands candidats.
Bien entendu, le but n’est ni de louer les vertus d'un programme en particulier, ni, à l'inverse, d’en dénigrer un autre, mais de mettre en évidence certains points de divergence ou, au contraire, des convergences possibles.

D’ores et déjà plusieurs lignes force apparaissent :
  • de manière générale, la sécurité est très présente sur tout le spectre politique, en étant ancrée dans tous les programmes, avec une mention spéciale à la question terroriste
  • il existe des consensus trans-partisans, par exemple sur l'importance accordée au renseignement territorial
  • côté gauche, la thématique est présente et les programmes semblent témoigner de l’absence de vision « angélique » de la sécurité (on peut observer encore l’effet « colloque de Villepinte » vingt ans après)
  • côté droite, les programmes sont détaillés et très argumentés sur les mesures à prendre
  • à l’extrême-droite, un projet est argumenté et, semble-t-il, bien moins polémique qu’auparavant (p.e. avec le retrait de la proposition de réintroduction de la peine de mort)
  •  l'Europe de la sécurité trouve droit de citer au milieu de l'échiquier politique, mais, plus on se déplace à droite, plus Schengen est rejeté

B comme Benoît HAMON


Le programme de Benoît Hamon est orienté vers la sécurité et l’Europe. Le candidat déclare que « la France ne sera pleinement indépendante et audible que dans une Europe forte et unie ».
D’un côté, il souhaite que la France regagne « son influence sur la scène internationale pour faire entendre sa voix et pouvoir porter haut ses valeurs humanistes et universelles ».
De l’autre, il suggère « un nouveau contrat politique pour l’Europe qui s’articule autour des progrès de la défense européenne ». Europe et sécurité sont donc clairement mêlées pour Benoît Hamon, ce qui distingue clairement son programme de Marine Le Pen (on le verra plus loin).

Au sujet de la sécurité justement, Benoît Hamon déclare que « le devoir de la France, c’est aussi de protéger ses citoyens des nouvelles menaces, et tout particulièrement du terrorisme ».
Pour autant, le programme n’est pas sécuritaire en tant que tel : il préconise, par exemple, un grand plan national de formation des agents de police/gendarmerie pour lutter contre les préjugés et les discriminations ou encore, à l’échelle européenne, la création d’un visa humanitaire offrant aux personnes en situation de détresse humanitaire une voie d’accès légale au territoire français.

Plus exactement, le programme de Benoît Hamon suggère :
  • le remplacement de tous les départs à la retraite des policiers et gendarmes et la création de 1 000 postes par an
  • la création d’une véritable police de proximité pour renouer la confiance avec la population.
  • l’instauration d’un coordonnateur national directement rattaché au Premier ministre.
  • le renforcement des moyens du renseignement territorial
  • le renforcement des moyens de l’agence nationale pour la sécurité des systèmes d’information (ANSSI)
  • l’établissement d’un Institut de recherche sur la sécurité pour que les services de sécurité coopèrent plus étroitement avec le monde de la recherche
  • la consécration de 3% du PIB aux dépenses de défense et de sécurité intérieure

E comme Emmanuel MACRON



Le programme d’Emmanuel Macron est orienté vers la sécurité et l’Europe. Il proclame l’idée que « la sécurité est la première de nos libertés » et la «  tolérance zéro lorsqu’il s’agit de sécurité ».
Parallèlement à cela, il proclame une « Europe protectrice et à la hauteur de nos espérances ».  Cette vision europhile se rapproche de celle de Benoît Hamon, mais le discours se révèle plus offensif.
La critique est dirigée contre les adversaires de la construction européenne actuelle qui « affaiblissent l’image de la France auprès de nos partenaires en prétendant vouloir « renverser la table » ». Il faut d’après lui, réformer l’Europe. « Ce n’est pas la table qu’il faut renverser, c’est le cours de l’Europe ».
Et donc, redonner un sens au projet européen implique de s’investir dans l’Europe, pas de la bloquer. Concrètement, construire cette « Europe qui protège » se traduit par un effort sur la création du Corps européen de garde-frontières.

Plus exactement, le programme d’Emmanuel Macron suggère :
  • le recrutement de 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires et la création d’une police de sécurité quotidienne.
  • une tolérance zéro face aux incivilités : punition d’amendes immédiates et dissuasives.
  • l’exécution systématique des peines et création de 15.000 nouvelles places de prison.
  • la « confirmation » de la cyberdéfense et de la cybersécurité comme priorités de la sécurité nationale.
  • la création d’un état-major permanent des opérations de sécurité intérieure, de renseignement et de lutte contre le terrorisme.
  • la création d’une force de 5000 garde-frontières européens.

F comme François FILLON


Le programme de François Fillon fait de la sécurité un axe central, en témoignent les nombreuses mesures en ce sens. Il propose « l’impunité zéro face aux délinquants » et surtout une « vraie stratégie » dans ce domaine en renforçant chaque maillon de la chaîne de sécurité.
Autrement dit, le candidat, qui entend se démarquer du gouvernement sortant, fustige « la quasi impunité des délinquants » et préconise « une vraie sécurité intérieure, soucieuse de la protection de tous les Français ».

S’il existe certains points de similitude avec le programme d’Emmanuel Macron sur la sécurité, celui de François Fillon diverge nettement sur l’Europe. Les critiques à l'encontre une Europe intégrée sont vives.
Le chapitre « Une France souveraine dans une Europe respectueuse des nations »), contient des propos très durs à l’égard de la construction européenne actuelle (une Europe qui « apparait au mieux comme inefficace, inutile, dépassée et au pire comme un obstacle à notre développement et notre liberté »).

Il n’en demeure pas moins que les références à l’Europe de la sécurité sont explicites. Le programme de François Fillon, qui propose certains avancées en matière des frontières extérieures, se rapproche quel que peu du programme d’Emmanuel Macron. Cependant, il s'en éloigne, en préconisant à côté, de « faciliter les contrôles aux frontières de l’espace Schengen ».
Par effet de balancier, cette proposition rapproche son programme, dans une certaine mesure, de celui de Marine Le Pen. Certes, pour François Fillon, il s’agit de « faciliter » le rétablissement des contrôles hexagonaux, donc au sein de l’espace Schengen (thème ayant été au demeurant classé dans le programme de François Fillon au sein de la rubrique « immigration » et non « Europe » ou « sécurité »), alors que pour la candidate frontiste, il s’agit de sortie pure et simple de la France de l’espace Schengen. Reste qu’en pratique, la nuance peut être plus subtile qu’il n’y paraît.

Plus exactement, le programme de François Fillon suggère :
  • l’autorisation de rassemblements publics à condition que les forces de l’ordre soient capables d’assurer la gestion de l’ordre public
  • le rétablissement de la double-peine par l’expulsion des étrangers qui présentent un danger pour la sécurité nationale/condamnés pour des faits de délinquance
  • la condamnation à perpétuité des Français qui se sont rendus en Syrie et en Irak
  • l’extension des compétences de la police municipale
  • la création de 16.000 places de prison
  • la suppression de certaines allocations sociales pour assurer le paiement des contraventions
  • la création d’un grand ministère de la sécurité intérieure rassemblant la police, la gendarmerie, la douane et l’administration pénitentiaire
  • la réorganisation du renseignement, avec notamment le rattachement de la DGSI à la direction générale de la police nationale
  • l’instauration d’une politique de prévention de la radicalisation qui revient à une approche territoriale globale des déviances vers la délinquance, la criminalité et la radicalisation
  • le renforcement du Corps européen des garde-côtes ainsi qu’une plus grande utilisation de Frontex et de la biométrie dans le contrôle des populations qui se déplacent
  • l’intensification de l’usage des fichiers informatiques et l’accès au fichier sur les données des passagers aériens (PNR)

J comme Jean-Luc MELENCHON


Le programme de Jean-Luc Mélenchon se caractérise par une forme d’euroscepticisme à l’égard de la construction européenne actuelle, notamment en raison de son orientation néo-libérale (« Les traités européens nous retirent toute liberté d’action. Devant la décomposition de l’Union européenne et ses brutalités croissantes, tout commence par la reconquête de notre indépendance. Cette Europe-là, soit on là change (plan A), soit on doit la quitter (plan B) ».

Même s’il est hasardeux de faire un parallèle entre le programme de François Fillon et celui de Jean-Luc Mélenchon sur la France à l’égard de l’Europe notamment de par les options économiques foncièrement différentes, il y a bien néanmoins une convergence sur une certaine idée de la nation et sur l’importance accordée à la souveraineté.
Cela étant, cette convergence s’arrête net aux portes de la sécurité. Le programme de Jean-Luc Mélenchon déclare que « la surenchère sécuritaire ne protège pas, elle affaiblit et fait le jeu des assaillants ».
Il est vrai que la dimension de sécurité  est très présente (« politique de sûreté publique sur la base du triptyque « prévention, dissuasion, sanction »), mais il s’agit approche « républicaine » axée autour d’une «  politique de sécurité doit être refondée en lien avec la population ».
Cette vision de la sécurité apparaît à certains égards, compatible avec celle de Benoît Hamon.

Plus exactement, le programme de Jean-Luc Mélenchon suggère de :
  • renforcer les moyens humains et matériels des forces de sécurité
  • donner la priorité au démantèlement des trafics (drogues, armes, prostitution, êtres humains…) et à la lutte contre la délinquance financière, la corruption et le terrorisme
  • lutter contre l’embrigadement et soutenir les démarches de signalement par les proches
  • refuser la logique de l’exception pour réaffirmer l’État de droit
  • refuser la logique du choc des civilisations et de la « guerre intérieure »
  • renforcer le renseignement territorial et humain
  • en finir avec la politique du chiffre et restaurer la police de proximité
  • faire l’évaluation des lois sécuritaires, abroger les disposition inefficaces et renforcer les politiques de prévention
  • démanteler les BAC (Brigades anti-criminalité)
  • intégrer au service public certaines fonctions de sécurité aujourd’hui privatisées (sécurité aéroportuaire notamment)
  • ramener les effectifs de policiers/gendarmes à ceux de 2007
  • augmenter nettement les effectifs de police en charge de la délinquance en col blanc
  • interdire les Taser et Flash-Ball, ainsi que les grenades de désencerclement
  • lancer un plan de rénovation et de construction de commissariats de police

M comme Marine LE PEN


La sécurité sans l’Europe, ou du moins pas avec l’Europe telle qu’elle existe actuellement. C’est ce qui ressort du programme de Marine Le Pen qui préconise de « retrouver notre liberté et la maîtrise de notre destin en restituant au peuple » et de retirer le drapeau européen des bâtiments publics français.
Le programme mariniste exprime sa défiance vis-vis de l’Europe et il s’agit d’une constance familiale puisque son père exprimait déjà une critique radicale vis-à-vis du projet européen.
En revanche, si le programme rejette ce projet (l’Europe étant associée au détour du programme à l’« immigration »), il en va tout autrement de la sécurité, puisque comme le programme de François Fillon, les mesures en matière de sécurité sont nombreuses et détaillées. En revanche, sécurité et Europe sont inconciliables. La sortie de l’espace Schengen est donc préconisée. L'idée de renforcer les frontières extérieures de l'UE - projet que François Fillon appelle de ses vœux - n'a pas droit de citer pour la candidate frontiste. Certes, il faut renforcer les frontières, mais il s'agit des frontières hexagonales.

Le programme de Marine Le Pen est très précis en matière de sécurité et, avec Jean-Luc Mélenchon et François Fillon, il s’agit de celui qui préconise le plus de mesures de sécurité.
Il reste que le programme se révèle, à maints égards, être le plus sévère. Certaines mesures avancées dans le programme de Marine Le Pen, qui ne figurent pas chez les autres candidats, témoignent, semble-t-il, d’une volonté de se démarquer des programmes des autres candidats.

Plus exactement, le programme de Marine Le Pen suggère de :
  • réarmer massivement les forces de l’ordre, notamment avec un plan de recrutement de 15 000 policiers /gendarmes et en matériels avec modernisation des équipements
  • cibler les 5 000 chefs de bandes délinquantes et criminelles opérant dans les banlieues et instaurer en complément de la peine pénale l’injonction civile d’éloignement.
  • rétablir des services de renseignement de terrain pour lutter contre les trafics criminels.
  • appliquer la tolérance zéro, rétablir les peines planchers et supprimer les remises de peine automatiques.
  • supprimer le versement des aides sociales aux parents de mineurs récidivistes
  • instaurer une peine de prison de perpétuité réelle incompressible pour les crimes les plus graves.
  • créer 40 000 places supplémentaires de prison en 5 ans
  • rétablir l’expulsion automatique des criminels et des délinquants étrangers
  • rattacher l’administration pénitentiaire au ministère de l’Intérieur et renforcer le renseignement pénitentiaire
  • rendre impossible la régularisation ou la naturalisation des étrangers en situation illégale, et  automatiser leur expulsion
  • dissoudre les organismes de toute nature, liés aux fondamentalistes islamistes
  • expulser tous les étrangers en lien avec le fondamentalisme islamiste (notamment les fichés S)
  • fermer toutes les mosquées extrémistes recensées, et expulser et déchoir de la nationalité française, tout binational lié à une filière djihadiste
  • rétablir l’indignité nationale pour les individus coupables de terrorisme islamiste
  • créer une agence unique de lutte antiterroriste chargée de l’analyse de la menace

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